Sur une idée de Isabelle Toutain, les hypersensibles partage ici des témoignages de personnes hypersensibles qu’elle interviewe dans une rubrique dédiée « RENCONTRE AVEC… » Une série de rencontres autour de l’hypersensibilité, de femmes et d’hommes qui ont appris à l’apprivoiser pour en faire une ressource. Loin d’être une faiblesse, l’hypersensibilité peut être une force, capable de déplacer les montagnes. C’est justement parce que nous sommes hypersensibles que tout devient possible.

RENCONTRE AVEC Gaëlle MECHALY

soprano et pianiste virtuose, auteure, compositrice

Quand et comment avez-vous découvert votre hypersensibilité?

Depuis toujours, je sens bien que je suis différente et ce n’est que très récemment que j’ai découvert que cela correspondait à un type de personnalité et de caractère.

Il  y a deux, trois ans, je suis tombée par hasard sur un podcast de Fabrice Midal, puis sur le livre de Maurice Barthelemy Fort comme un hypersensible qui m’a conduite jusqu’au livre de Charlotte Wils, Itinéraire d’une ultrasensible.

J’avais associé ma sensibilité à une fragilité émotionnelle et pas à quelque chose de positif. En effet, parfois je peux me sentir complètement déstabilisée émotionnellement et notamment dans des moments importants de ma vie. Des moments qui engendrent trop de tout.

Comment se manifeste votre hypersensibilité?

Je suis d’une extrême émotivité. Depuis l’enfance, je suis asthmatique, atopique, allergique. Je me sens dans une grande empathie avec les autres. J’ai une compréhension de ce que ressent l’autre qui va jusqu’à m’envahir et me bloquer quand je sens que les perceptions de l’autre sont négatives.

J’ai aussi une forte sensibilité au bruit. Mon oreille détecte le moindre bruit. Tout comme mon odorat détecte l’odeur la plus subtile. Mon esprit tourne 24/24 même quand je dors.

Je me suis rendue compte que je n’étais pas la seule et cela m’a réconfortée.

Je doute aussi beaucoup et j’ai un réel manque d’assurance. Je mets en doute ce que je suis plus que les autres. Ce sentiment empêche de se développer et d’être soi-même.

J’ai un profond respect des gens et des choses qui m’entourent et de ce fait j’ai beaucoup de scrupules avec les gens. Avant de demander quelque chose, cela me prend beaucoup de temps. Pour moi, demander c’est déranger. J’anticipe toujours le dérangement.

Est-ce que vous en avez parlé de votre hypersensibilité autour de vous quand vous l’avez découverte?

Quand j’en ai parlé autour de moi, ça a fait sourire. Tout le monde le savait à cause de mon hyper émotivité qui est visible.

Les outils, les clés qui vous permettent d’apprivoiser votre hypersensibilité au quotidien?

Avec Charlotte Wils, j’ai fait tout un travail sur la façon de gérer mes émotions . L’émotion est tellement puissante parfois. Elle m’épuise d’un seul coup. Je la sens dans mes jambes, dans mon ventre. S’il y a trop d’émotion, cela devient vite invivable.

Je fais beaucoup de sport, du yoga, de la trottinette pour m’épuiser, évacuer le trop plein. Je cours tous les week-ends. Quand je suis six heures en répétition ou sur scène, je ressens moins le besoin d’évacuer ce trop plein.

Et comme je suis marseillaise, j’ai besoin de la mer, de la nature, des arbres. À Paris, je vais sur les bords de Seine au moins une fois par jour. Suivre le chant des merles parisiens le matin me remplit de joie et me régénère.

Quelles portes se sont ouvertes grâce à votre hypersensibilité?

La porte du chant s’est ouverte. Pendant des concours de piano à cause de mon émotivité extrême, il m’est arrivé de faire des crises de tétanie jusqu’à ne pas pouvoir jouer. Comme si mon corps disait stop. Je me suis guérie par le chant. Le chant m’a permis de respirer et de trouver par le souffle qui j’étais. J’ai appris à m’exprimer et m’affirmer dans la puissance du chant. Au piano, j’étais seule. En chant, on est face à un public et cela me correspond mieux. Même si je suis pudique et timide, j’ai besoin de communiquer avec les autres, d’entrer dans une forme de transe avec eux. J’ai proposé des créations avec des spectateurs tout autour de moi, à 360°. J’entrais en communion avec eux.  La musique et le chant ont été ma survie. J’ai commencé le chant lyrique à 15 ans. Au départ, je voulais faire de la comédie musicale mais il n’y avait que du chant lyrique là où j’étais. Cinq ans après, j’ai commencé à chanter dans les plus grands opéras du monde.

La porte de l’instinct s’est également ouverte. Dans le domaine artistique, j’ai ainsi découvert que j’avais de multiples capacités. Je me suis mise à la composition de musique. Je ne pensais pas que j’en étais capable. J’ai été poussée par le besoin de m’exprimer différemment. J’ai fait mes maquettes toute seule et pourtant je ne pensais pas que je pourrais le faire. En plus d’être chanteuse lyrique, je suis aujourd’hui auteure, compositrice

Avec la composition, le chant, le piano, j’ai l’impression d’être la personne que je devais être. C’est une espèce de réconciliation. Quand je chante mes propres chansons, j’ai l’impression d’être allée au bout de qui je voulais être. Je fais ce que j’ai à faire et je me régale.

Mon hypersensibilité m’a enfin ouvert la porte à de belles rencontres. Quand je sens bien les gens, je peux rentrer très vite en harmonie avec eux.  Ce peut être des gens que je vois peu mais avec lesquels il y a quelque chose de fort et on se revoit comme si on venait de se quitter.

Vos plus grandes victoires d’hypersensible?

A une période de ma vie, chaque jour était un défi. Arriver au bout d’une journée était un défi.

En surmontant ma grande émotivité, j’ai pu aussi réaliser mes rêves. Mon enfance a été bercée par Peau d’Âne et j’ai eu la chance de partager un moment avec Michel Legrand. C’était pour l’inauguration de l’exposition consacrée à Jacques Demy à la Cinémathèque de Paris. J’ai été invitée à chanter ses chansons accompagnée par Michel Legrand au piano. J’ai chanté notamment avec lui le duo des Parapluies de Cherbourg. J’ai pu passer le cap de mon émotivité. Ce soir-là, j’ai chanté pour lui. C’est un moment inoubliable

Et quand j’étais plus jeune, je regardais les concerts de musique baroque à la télévision dirigés par le chef d’orchestre William Christie. Suite à un concours international que j’avais remporté j’ai été invitée à me produire en récital au festival lyrique d’Aix en Provence. Ce chef d’orchestre était dans la  salle  il  m’a aussitôt engagée. Cela a été le début d’une collaboration de dix ans. Je suis passée de petit rôle à grand rôle. J’ai eu la chance de chanter très vite dans tous les grands opéras, la Fenice, la Scala, l’Opéra de Paris…

Quatre ou cinq ans après avoir vu ces artistes à la télévision, je les ai rencontrés et j’ai travaillé avec eux. J’étais trop émotive et c’était très haut, trop tôt peut-être. Je fais un peu les choses à l’envers. J’ai commencé très haut. aujourd’hui, je poursuis mon parcours tranquillement.

3 conseils aux hypersensibles

  1. Portez votre hypersensibilité comme un étendard. Vous pouvez vous en servir comme d’un socle qui permet l’épanouissement de soi. Ce n’est pas une faiblesse, c’est un atout, un socle de construction puissant.
  1. Faites vous aider si c’est devenu une source de souffrance. Il y a des techniques efficaces pour ne pas sombrer.
  1. Choisir de voir les choses qui font du bien pour s’épanouir. Si on est à l’écoute de tous ses sens, il y a plein de choses à saisir, à regarder qui font du bien. Quand il y a des merles qui chantent, je passe de rue en rue pour les suivre. C’est réjouissant le chant des merles. Ce sont des petites choses qui font du bien. Et plus on est bien, plus on peut donner du bien aux autres. Cela permet d’être généreux entièrement.

Extraits choisis

J’ai une compréhension de ce que ressent l’autre qui va jusqu’à m’envahir et me bloquer quand je sens que les perceptions de l’autre sont négatives.

J’ai un profond respect des gens et des choses qui m’entourent et de ce fait j’ai beaucoup de scrupules. Pour moi demander, c’est déranger.

Le chant m’a permis de respirer et de trouver par le souffle qui j’étais. J’ai appris à m’exprimer et m’affirmer dans la puissance du chant.

En plus d’être chanteuse lyrique, je suis auteure, compositrice. Je ne pensais pas que j’en étais capable. J’ai été poussée par le besoin de m’exprimer différemment.

Quelques liens vers des oeuvres qui accompagnent Gaëlle

Le Troisième Concerto pour Piano de Prokofiev joué par Martha Argerich 
La comédie musicale et le film  : West Side Story de Leonard Bernstein
Edmond Jabès Le Livre des Questions 

Propos recueillis par @isatoutain

L’actualité de Gaëlle Méchaly

 

UND, Une création lyrique pour soprano solo et orchestre de D.d’Adamo d’après la pièce de théâtre de Howard Barker mise en scène par Julie Delille dirigée par Laurent Cuniot à l’Opéra de Massy ou à la Maison de la Musique de Nanterre

Suivez les aventures lyriques de Gaëlle sur  @gaellemechaly

et à suivre sur sa chaine youtube

Écouter ses chansons sur le lien

Extrait du concert avec Michel Legrand 

Site internet www.gaellemechaly.com

©photo haut de page @franckwilsphoto
©photo bas de page  Jihyé Jung 2024

1 réflexion sur “Rencontre avec Gaëlle MECHALY”

  1. Bonjour et merci pour ce précieux partage.

    Je retrouve beaucoup de similitudes dans ce qui caractérise notre hypersensibilité.

    Je suis une grande émotive. Je développe des allergies qui restent inconnues aujourd’hui; en effet, les tests effectués n’ont rien fait ressortir. Je décide de prendre rendez-vous chez un allergologue prochainement.

    J’ai la peau hypersensible. Beaucoup de matière me sont difficiles à porter. De plus, je vis de l’hyper-sudation en particulier lorsque je vis des émotions fortes ou non. Car toutes les émotions que je vis, des plus subtiles au plus évidentes, je les ressens.

    Je suis hyper-empathique, je ressens les émotions des personnes qui m’entourent et je suis capable de ressentir toutes celles qui sont vécues en entrant dans une pièce. Cela est très souvent fatiguant à vivre et il m’arrive parfois de me sentir comme agressée par tant de remue ménage.

    Je sens les odeurs de très loin, j’entends très bien et souvent trop de son (pour moi) génère un important inconfort comme avec le lumière à laquelle je suis très sensible, en particulier les lumières blanches, froides. J’ai besoin de peu de lumière et de couleur jaune.

    Mon esprit ne s’arrête jamais; même la nuit il reste éveillé. Je rêve énormément.

    J’ai très peu de confiance, en moi comme en les autres. Je doute énormément. Je me remets tout le temps en question et je vis trop d’auto-sabotage. Je n’ai jamais réalisé un seul rêve si ce n’est celui de me marier, d’avoir un enfant.

    Et je me permets de reprendre tes propos : « J’ai un profond respect des gens et des choses qui m’entourent et de ce fait j’ai beaucoup de scrupules avec les gens. Avant de demander quelque chose, cela me prend beaucoup de temps. Pour moi, demander c’est déranger. J’anticipe toujours le dérangement. » car cela me correspond à 100%.

    J’ai lu les livres que tu évoques de Fabrice Midal et Charlottes Wills. Je retrouve beaucoup de similitudes, comme avec toi également. Toutefois, mon constat est que à bientôt 41 ans, je n’exerce pas la profession qui me fait vibrer comme vous ni en hobbies. Et je n’ai pas réalisé mes rêves.

    Comment avez-vous fait ?

    J’ai l’impression que chez moi, le manque de confiance est +++ ainsi que l’auto-sabotage.

    Auriez-vous des conseils à me partager ?

    Merci et très belle journée. Encore merci pour votre témoignage.

    Cœur à cœur,

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