Sur une idée de Isabelle Toutain, les hypersensibles partage ici des témoignages de personnes hypersensibles qu’elle interviewe dans une rubrique dédiée « RENCONTRE AVEC… » Une série de rencontres autour de l’hypersensibilité, de femmes et d’hommes qui ont appris à l’apprivoiser pour en faire une ressource. Loin d’être une faiblesse, l’hypersensibilité peut être une force, capable de déplacer les montagnes. C’est justement parce que nous sommes hypersensibles que tout devient possible.
RENCONTRE AVEC Maurice BARTHÉLEMY
acteur, scénariste, réalisateur, auteur
Quand et comment avez-vous découvert votre hypersensibilité?
C’était il y a cinq ou six ans. C’est une amie qui m’a dit que j’étais sans doute hypersensible. Ce mot a fait tilt dans ma tête. J’ai commencé à me renseigner sur le sujet et je suis tombé sur le livre de Christel Petitcollin Je pense trop. J’ai eu l’impression de découvrir le Graal. Ca m’a fait un bien fou. J’ai enfin pu mettre un nom sur un état que je ne comprenais pas. Et je me suis rendu compte que c’était quelque chose de très positif.
Mon premier réflexe a été de chercher une confirmation que j’étais bien hypersensible. Dans mes lectures, j’avais lu dans le livre de Jeanne Siaud-Fachin Trop intelligent pour être heureux, que l’hypersensible avait un QI supérieur à la moyenne. J’ai passé un test de QI et le résultat était non significatif. J’avais de très bons scores sur certaines questions mais sur certaines je mettais trop de temps. Je me suis demandé si j’étais vraiment hypersensible. Une thérapeute m’a demandé pourquoi je cherchais une validation. Depuis, j’assume et ne cherche plus de validation.
Comment se manifeste votre hypersensibilité?
Je suis un hypersensible à la fois introverti et extraverti. Mon côté extraverti s’est évidemment exprimé dans mon aventure avec les Robins des Bois. Et l’introverti, c’est plus celui que je suis devenu petit à petit.
J’ai plein de rituels. Par exemple, je m’habille depuis des années de la même façon. Avec le même type de sweat-shirt, de jean et de basket. J’aime me lever tôt, me coucher tôt.
J’ai comme tous les hypersensibles un esprit en arborescence. J’ai toujours dans ma tête des idées de films, de séries. Mon esprit vagabonde. Tout m’interpelle, m’intéresse. Je note plein de détails. C’est comme si je scannais le monde autour de moi.
Je suis hypersensoriel et plus spécifiquement, je suis misophone ; je ne supporte pas les bruits de bouche. Une autre manifestation de mon hypersensibilité, c’est le manque de confiance en moi. Quand j’ai commencé ce métier, je ratais systématiquement mes auditions. Je me suis rendu compte que c’est parce que je n’étais pas moi-même. C’est comme si je m’étais inventé un faux self (un faux moi) pour ne pas en prendre plein la gueule. La réussite des Robins des Bois m’a permis de me débarrasser de ce faux self. Evidemment, comme certains hypersensibles, je suis aussi très empathique. Notamment pour toutes les grandes causes. C’est important pour moi de me sentir utile et d’aider les autres. Je suis par exemple impliqué dans le Jane Goodall Institute. J’essaye de mieux faire connaître son travail en France. Elle met en place des actions pour aider les animaux et les humains à mieux vivre ensemble tout en protégeant la nature. Je suis aussi proche de l’Unicef et d’ONU France pour que le lien entre le monde des grandes causes et des artistes soit plus simple et direct. J’aime beaucoup faciliter les choses.
Autre caractéristique, j’ai une ouverture forte vers l’ailleurs depuis que je suis adolescent. J’étais très angoissé par la mort quand j’étais enfant et à 16 ans, je suis tombé par hasard sur un livre parlant des NDE (expérience de mort imminente). Il s’appelait La Source Noire de Patrice Van Eersel. Ce livre m’a apaisé. J’ai compris que le corps meurt et que l’âme va ailleurs.
Et puis quand j’ai découvert mon hypersensibilité, j’ai lu Deepak Chopra, Eckhart Tolle. Je me sens aussi proche de la culture bouddhiste et du principe de la réincarnation.
La physique quantique, les théories sur l’espace et le temps me passionnent. J’aime l’idée que la vie soit une école. On fait une expérience et on repart. Et au fur et à mesure, l’âme devient de plus en plus performante.
Est-ce que vous avez parlé de votre hypersensibilité autour de vous?
J’ai fait même plus. J’ai organisé un podcast live sur l’hypersensibilité avec Charlotte Wills sur mon instagram pendant le confinement. Et il a eu beaucoup de succès. De nombreuses personnes m’ont contacté pour me remercier d’en parler et de leur avoir ouvert les yeux. J’ai ressenti un grand plaisir à le faire. Et à la suite de ce podcast, j’ai été contacté par les éditions Michel Lafon et j’écris à plusieurs mains un livre sur ce sujet en ce moment. Il sortira en Janvier.
C’est important pour moi que les hypersensibles se rendent compte que l’hypersensibilité est une force. Et puis en tant qu’homme, c’est aussi essentiel de faire comprendre que l’hypersensibilité n’est pas forcément de l’émotivité ou de la fragilité.
Et comment vivez-vous votre hypersensibilité en tant qu’homme?
J’ai une bande de copains depuis 35 ans et quand je leur ai dit que j’étais hypersensible, ils se sont moqués de moi alors qu’ils sont eux aussi sans doute hypersensibles. J’ai eu l’impression qu’ils confondaient hypersensibilité et hyperémotivité. Et cette confusion les confronte à une forme de fragilité. Je suis hypersensible mais je ne pleure pas plus qu’un autre. J’ai dû pleurer huit fois dans ma vie. L’hypersensibilité, c’est plus lié à une perception très fine qu’à l’émotivité.
Et c’est justement ce que j’ai voulu pointer quand j’ai choisi le titre de mon livre « Fort comme un hypersensible ». L’hypersensibilité, c’est une force incroyable. Et ce serait bien que les hommes le comprennent et l’assument. C’est ce qui fait que je suis un papa responsable. Un hypersensible, ça anticipe, ça organise, ça écoute, ça comprend.
D’ailleurs, je conseille à tous les hypersensibles de se mettre ensemble. Parce qu’on se comprend et on s’équilibre. Quand l’un mouline et rumine, l’autre peut le calmer.
Qu’est-ce que ça a changé dans votre vie de vous savoir hypersensible?
Aujourd’hui, comme je sais que je suis hypersensible et que de ce fait, j’ai souvent des peurs irrationnelles, j’ai trouvé une tactique qui me permet d’accepter des expériences qui me sortent de ma zone de confort. Avant je les refusais parce que la peur était trop forte.
C’est comme ça que j’ai accepté de devenir présentateur de Burger Quizz pendant 3 émissions. La tactique que j’ai mise en place est de beaucoup me préparer en amont. Pour Burger Quizz, je me suis préparé grâce à la sophrologie. J’ai aussi répété des fausses émissions. J’ai appris le conducteur de l’émission par coeur. J’avais le trac mais je savais où j’allais. Il y a quelques années, j’aurais refusé de présenter Burger Quizz.
Plus je travaille mon hypersensibilité, plus je fais des choses nouvelles. J’ai moins peur, j’ai plus confiance et j’ai moins de culpabilité. Du coup, j’ai aussi appris à détecter et éviter les pervers narcissiques qui jouent sur la culpabilité.
Et surtout, savoir que je suis hypersensible, m’a décomplexé. Je me suis souvent ennuyé en soirée, en réunion. Je ne savais pas pourquoi. Je pouvais aussi me sentir très fatigué sans raisons. Savoir que je suis hypersensible, m’a enlevé des pourquoi, m’a permis de trouver des solutions et m’a appris à faire plus attention à moi.
Je sais pourquoi je ne vais pas dans tel restaurant. C’est parce qu’il est bruyant et que je n’aime pas l’éclairage. Et je ne me force plus à y aller.
On apprend aussi à s’entourer de gens bienveillants. J’ai arrêté les causes désespérées. Parce que ça arrive aussi de tomber sur des gens qu’on pense hypersensibles alors qu’en fait, il s’agit de manipulateurs. Ils prennent sans donner et ne parlent que d’eux. Ils ne sont pas dans l’échange. Et souvent, on sort exténués de conversations avec des personnes enclines à manipuler les autres.
Les outils, les clés qui vous permettent d’apprivoiser votre hypersensibilité au quotidien?
Le sport ! Je fais 45 minutes de vélo elliptique tous les jours à la maison. Ca me déstresse et me fait du bien. Le sport m’a permis de surmonter les périodes de deuil, notamment à la mort de mes parents. J’ai pu remonter la pente grâce au sport.
J’y ajoute maintenant une part de méditation car je n’écoute plus de podcast. C’est maintenant très apaisant à la fois sur le plan psychique et physique.
Je sais aussi que c’est le matin que je suis le plus performant pour travailler. Du coup, je travaille le matin.
Quelles portes se sont ouvertes grâce à votre hypersensibilité?
Toutes les portes se sont ouvertes! Je compare l’hypersensible à une voiture de course qui a toujours roulé en seconde. Et tout d’un coup, on apprend qu’on a aussi la 3eme, la 4eme et la 5eme vitesse. On réalise qu’on peut aller plus vite, plus loin. C’est extraordinaire comme sensation. Ca donne des ailes.
C’est grâce à mon hypersensibilité que je peux être à la fois acteur, réalisateur, scénariste.
La porte de la spiritualité s’est aussi ouverte avec cette envie de donner un sens à sa vie. De comprendre pourquoi on est là et quelle est notre mission de vie.
Avec le recul, je me rends compte à quel point mon hypersensibilité a déterminé ma vie. Dans mes choix d’appartement, dans les films que j’ai faits.
Je ne me serai jamais investi dans le Jane Goodall Institute si je n’avais pas été hypersensible. Et c’est une magnifique rencontre. Il se passe toujours quelque chose de positif quand on se donne un coup de pied au cul. Maintenant, j’accepte pas mal de choses et je me dis, on verra bien.
Vos plus grandes fiertés d’hypersensible?
Au quotidien, ma plus grande fierté c’est de pouvoir parler d’hypersensibilité. Et que les gens viennent me dire merci. C’est parce que j’en ai parlé qu’ils ont découvert qu’ils étaient hypersensibles. Ils ont mis un mot sur ce qu’ils ressentaient comme une différence et se sentent soulagés de ne plus se sentir seuls. J’adorerais que ma fille découvre son hypersensibilité. Qu’elle comprenne que ça permet de gagner du temps et d’éviter des rencontres toxiques.
Une autre fierté, c’est quand j’ai une intuition fulgurante. On apprend pas assez à écouter son intuition et à faire la différence entre idée et intuition. L’intuition fulgurante, elle arrive souvent à 4h du matin.
J’utilise beaucoup mon intuition pour mon travail depuis longtemps. Maintenant, je l’utilise aussi pour moi. Par exemple, je voulais acheter un appart juste avant le COVID. Tout résistait. J’ai senti que ce n’était pas le moment d’y aller. J’avais bien senti les choses : les prix sont maintenant en train de baisser.
Aujourd’hui, j’ai suffisamment nettoyé mon esprit pour pouvoir accéder pleinement à mon intuition. Et puis ma grande fierté, c’est tout le travail que j’ai fait sur moi et qui fait que je suis heureux aujourd’hui.
3 conseils aux hypersensibles
1. Si tu as découvert ton hypersensibilité, fais-la découvrir à d’autres. Aide celui qui est dans le brouillard. Tu peux tellement aider les autres.
2. Débarrasse toi de ta peur et de ta culpabilité.
3. Reste dans le présent.
3 conseils aux hypersensibles qui s’ignorent
1. Ne perds pas de temps à chercher une validation
2. Lutte contre le toi intérieur qui va tout faire pour ne pas accepter ton hypersensibilité. Il te dit que tun’es pas différent, que tu n’es pas plus intelligent que les autres. Il a tort.
3. Affine ton hypersensibilité. Écarte ce qui t’agresse. Garde ce qui te fait du bien. Arrête de te dévaloriser.
Extraits choisis
l’hypersensibilité, c’est plus lié à une perception très fine qu’à l’émotivité.
Savoir que je suis hypersensible, m’a enlevé des pourquoi, m’a permis de trouver des solutions et m’a appris à faire plus attention à moi.
Je compare l’hypersensible à une voiture de course qui a toujours roulé en seconde. Et tout d’un coup, on apprend qu’on a aussi la 3eme, la 4eme et la 5eme vitesse. On réalise qu’on peut aller plus vite, plus loin. C’est extraordinaire comme sensation. Ca donne des ailes.
Quelques conseils de lecture
- Elaine Aron, Hypersensibles
- Sophie Lambda, Tant pis pour l’amour
- Judith Orloff, Guide de survie des hypersensibles empathiques
- Christel Petitcollin, Je pense trop
- Charlotte Wils, Itinéraire d’une ultrasensible
Quelques liens vidéo
- Live de Maurice Barthélémy avec Charlotte Wils
- Live de Maurice Barthélémy avec Grazia
Propos recueillis par Isabelle Toutain @isatoutain
Photo de Capucine de Chocqueuse @capucinedechocqueuse
Merci infiniment à Isabelle Toutain et à Maurice Barthélémy pour ce RENCONTRE AVEC passionnant !!!
Retrouvez Maurice Barthélémy sur @barthelemymaurice
Bonjour
Je suis en train d’écouter votre livre…une première pour moi : écouter un livre..je viens de comprendre il y a peu que j’étais hypersensible à la suite d’une altercation sur mon lieu de travail..j’ai dévoré les livres de Christel Petitcollin pour comprendre et trouver des solutions..je m’y suis un peu perdue et ai pris peur car au final je ne me sentais « surreficiente » alors retour a zéro… Puis ma thérapeute a confirmé a demi mot mon hypersenbilité aprés 5 ans de thérapie..(6 deuils en 5 ans)
J’ai donc voulu en savoir plus..c’est étrange car dans ces moments là on lance des mots clefs sur la toile,on chemine, pleins de réponses s’affichent,rien de concret ou du moins pas de révélations,rien qui ne « m’appelle » et puis je suis tombée sur votre titre écrit à 6 mains, j’ai hésité à le lire…peur de m’y perdre encore de ne pas tout comprendre de ne pas m’y retrouver,peur du néant de nouveau…puis le sourire rassurant de Monsieur Maurice Barthélémy sur la couverture m’a tendu la main…j’ai décidé de l’écouter, là encore je ne sais pas pourquoi car je n’avais jamais « écouté » un livre avant…Mais vous entendre lire ce que vous aviez écrit a trés vite rendu encore plus fort, plus vrai et plus proche les mots…cela renforce l’echo, la raisonnance..et accompagne avec bienveillance ma découverte de l’hypersenibilité,mon acceptation
Je ne l’ai pas encore fini .. Je m’arrête toutes les 6 phrases, pleure (les rituels du coucher,la peur de la mort si pregnante enfant, peur de mes peurs et ma profonde solitude..tout ça remonte mais s’adoucit,s’explique enfin…), je prends des notes pour m’imprégner réecoute,ris aussi,ahhhh le chewing gum et les gaufrettes et puis repleure de gratitude.
Alors mille mercis ! Je n’ai pas fini de l’écouter mais vraiment merci d’avoir mis des mots et expliquer avec tant de générosité et de simplicité ce qui se passait,s’était passé en moi et pourquoi…j’ai pleuré en découvrant que j’avais été une petite fille digne d’amour pas du tout anormale mais juste terriblement angoissée par la mort le grand vide le néant comme le dit Maurice car déjà si récéptive et trop mature pour son âge. J’aurais envie de vous embrasser ! j’ai le sentiment de ne plus être seule, de ne plus être bizzarre …je dois encore tout rangé pour avancer mais déjà gràce à vous je sais que je vais enfin avancer …merci de vous être livré pour en délivré d’autres comme vous , comme moi. MERCI de tout mon coeur Je retourne à mon écoute (chapitre 16)
Un immense merci Emilie pour votre très beau et émouvant témoignage sur le livre de Maurice et Charlotte et sa version audio. Vous n’êtes plus seule. Nous sommes quelqu’uns.unes à partager cette « singularité précieuse » et c’est heureux. 🙂 Belle continuation d’écoute. Isabelle