Rencontre avec Charlotte Wils

Sur une idée de Isabelle Toutain, je partage ici des témoignages de personnes hypersensibles qu’elle interviewe dans une rubrique dédiée RENCONTRE AVEC… cette fois, Isabelle a souhaité m’interviewer. Un entretien du jeudi 26 novembre 2020 

Une série de rencontres autour de l’hypersensibilité, de femmes et d’hommes qui ont appris à l’apprivoiser pour en faire une ressource. Loin d’être une faiblesse, l’hypersensibilité peut être une force, capable de déplacer les montagnes. C’est justement parce que nous sommes hypersensibles que tout devient possible. 

RENCONTRE AVEC CHARLOTTE WILS

coach certifiée,  psychopraticienne spécialiste dans l’accompagnement des personnes hypersensibles

Quand et comment avez-vous découvert votre hypersensibilité?

C’était il y a un peu plus de six ans. Je discutais au téléphone avec une personne de SOS Fibryomalgie, car j’avais des douleurs physiques et je pensais être atteinte de cette maladie. Des trente minutes de conversation que nous avons eue, un mot a tilté. C’était le mot « Hypersensible ». Cette personne m’a expliqué que les fibromyalgiques étaient souvent hypersensibles. Dès que j’ai raccroché, j’ai commencé à faire des recherches. 

Le premier livre que j’ai lu était celui de Elaine Aron puis celui de Saverio Tomasella. Je me suis tout de suite reconnue. Découvrir mon hypersensibilité a été une énorme révélation et un grand soulagement.

Peu après, j’ai découvert que les douleurs physiques qui avaient motivé mon appel à SOS Fibryomalgie étaient liées à une dent morte sous une couronne. Le dentiste était stupéfait que j’aie pu vivre si longtemps avec une dent dans un tel état. Quand on est hypersensible et qu’on ne le sait pas, on peut avoir tendance à étouffer ses ressentis.

Est-ce que vous avez parlé de votre hypersensibilité autour de vous?

Au début, j’en ai seulement parlé à mon mari. Puis j’ai écrit un livre pour en parler. C’est Itinéraire d’une ultrasensible, qui est sortie quatre ans après ma découverte. 

J’ai écrit ce livre pour que les autres hypersensibles puissent se reconnaître. Quand j’ai découvert que j’étais hypersensible, j’ai tout de suite pensé que je ne devais pas être seule. J’ai écrit pour eux. Il ne se passe pas à une semaine sans que je reçoive un message d’un hypersensible qui s’est reconnu dans mon livre et qui me remercie d’avoir mis des mots sur ses maux. Chacun de ces messages me confirme que j’ai vraiment bien fait d’écrire ce livre. 

J’y ai également explicité la différence entre hypersensible et ultrasensible. Une personne ultrasensible est une personne hypersensible douée en plus d’une extrême empathie envers les autres.

On s’oublie souvent d’ailleurs au bénéfice d’autrui.

Comment se manifeste votre hypersensibilité?

Quand j’étais jeune, j’étais extravertie. J’en ai beaucoup souffert, car je m’exposais beaucoup tout en étant très sensible aux remarques et aux critiques. J’étais aussi très sensible à l’injustice. C’est pour ça que j’ai  toujours voulu être avocate. Mes parents étaient coiffeurs et m’ont poussée dans cette voie. J’ai suivi une formation en coiffure. J’ai créé mon propre salon à 21 ans. À 45 ans, j’ai décidé d’accomplir mon rêve et je me suis inscrite en fac de droit. J’y suis restée six mois. Je me suis très vite rendu compte que, en plus des sacrifices que cela représentait pour ma vie de famille, j’allais défendre des articles de loi plutôt que des hommes et des valeurs. 

Je souffrais également d’incompréhension, mais aujourd’hui, je n’essaye plus d’être comprise. 

Dans les relations amoureuses, j’étais aussi très intense. J’avais un énorme besoin d’aimer et d’être aimée. J’ai la chance de toujours être tombé sur des hommes bienveillants et d’une grande sensibilité. 

Qu’est-ce que ça a changé dans votre vie de vous savoir hypersensible?

Me savoir hypersensible a tout changé dans ma vie. J’ai pu enfin me comprendre, comprendre mon histoire et m’aligner. J’ai ressenti une indulgence, une compassion par rapport à moi-même, à mes choix et à la façon dont j’ai mené ma vie.

Surtout, j’ai pu arrêter de chercher ce que j’avais. Depuis des années, je recherchais du secours par rapport à un mal être profond que je ressentais. J’ai essayé la kinésiologie, la psychologie, l’auriculothérapie et bien d’autres encore pour soulager ce mal être. 

Me savoir hypersensible m’a également permis de trouver un équilibre par rapport à mes relations familiales, amicales et professionnelles. Elles étaient complètement déséquilibrées. J’avais tendance à donner beaucoup plus que ce que je recevais. J’ai pu apprendre à donner moins à certaines personnes qui avaient l’habitude de prendre sans donner. Je parle ici de donner de l’affection, de l’attention ou de l’intérêt sincères.

J’ai pu également tester mes outils de coach sur moi-même. J’ai ensuite rassemblé tous les outils de coaching qui avaient fait leurs preuves sur moi.

Les outils, les clés qui vous permettent d’apprivoiser votre hypersensibilité au quotidien?

J’ai un rituel tous les matins. J’écris, je fais de la méditation et des postures de yoga pendant quinze minutes. Ce rituel est important pour m’ancrer, pour être plus en conscience, pour faire le vide et mieux écouter les autres. Je cours aussi une fois par semaine pour m’oxygéner.

J’utilise aussi la PNL (programmation neuro linguistique), tout comme l’hypnose. Je peux récupérer de l’énergie, évacuer le stress et faire un nettoyage grâce à ces outils.

Je prends aussi des compléments alimentaires comme du magnésium marin, du fer et du griffonia.

J’ai appris à être plus flexible avec moi-même. Je lâche du lest.

Comprendre ce qu’est l’hypersensibilité permet de reprendre le pouvoir et de se créer un environnement adapté. Ce n’est pas nous qui devons nous adapter à l’environnement, c’est à nous de créer l’environnement qui nous convient. Cet environnement peut être différent pour chaque hypersensible.

Par exemple, je ne prends presque jamais les transports en commun parce que j’y suis mal à l’aise. Du coup, j’ai mon bureau à côté de chez moi et j’ai besoin d’avoir tout à proximité. J’ai choisi un appartement au centre de Paris avec tout à vingt minutes à pieds maximum. Il est hyper silencieux, car j’ai privilégié un dernier étage. C’est mon cocon et je peux rentrer y déjeuner tous les midis. J’ai juste besoin d’un petit espace calme avec tout à côté et des commerçants avec qui j’ai crée du lien.

C’est un travail de tous les jours, à faire sur ses émotions pour mettre les choses à distance et apprendre à se créer son environnement.

Quelles portes se sont ouvertes grâce à votre hypersensibilité?

J’ai ouvert la porte de la gratitude en comprenant ce que je suis. Celle de l’amour aussi. Je n’aurais pas non plus aimé avec une telle intensité. J’ai appris aussi à être moins en attente. Je ressens la liberté d’être qui je suis et d’accepter qui je suis. La conscience aussi de ce pour quoi je suis au monde.

Je n’aurais jamais eu tout le parcours que j’ai eu sans mon hypersensibilité. 

Je n’aurais jamais pris le risque de quitter une vie professionnelle sécure, une maison de 145m2 pour une vie incertaine et appartement de 15m2. C’est mon hypersensibilité qui me disait, fais-le. C’était une sorte de sixième sens.

J’ai répondu à chaque appel de mon intuition. J’avais la sensation d’avoir à suivre des chemins et les signes m’y invitaient.  Une bougie qui s’éteint, a été un signe déterminant dans ma vie. 

C’est mon hypersensibilité qui m’a donné l’envie et l’énergie d’accomplir aussi mon rêve de suivre des études de droit. J’ai vite compris que l’enseignement ne correspondait pas au fonctionnement de mon cerveau. J’étais davantage cerveau droit que cerveau gauche.

Mon hypersensibilité m’a donné de nouvelles clés de compréhension dans mon métier de coach. Je sentais qu’il y avait certaines personnes avec qui j’étais connectée et avec qui certains outils marchaient mieux. 

Vos plus grandes fiertés d’hypersensible?

Mon parcours est une grande fierté. C’est aussi d’avoir eu mon salon de coiffure barbier à 21 ans et d’avoir réussi à créer une vraie relation avec certains de mes clients, d’être devenue comédienne à 28 ans, coach à 40 ans et d’être entrée en fac de droit à 45 ans. J’ai pu pénétrer des environnements et des contextes très variés. J’ai fait du théâtre, j’ai distribué des tracts, j’ai vendu des fruits et des légumes sur les marchés et j’ai tourné dans de nombreux courts métrages. Aujourd’hui à 50 ans, je peux dire que je me sens à ma place dans ce que je fais et que j’aime profondément ce que je fais parce que je mets toute mon hypersensibilité et mon empathie au service des autres dans mes accompagnements chaque jour.  

Je suis également très honorée de la proposition que Maurice Barthélemy m’a faite en me demandant de collaborer à l’écriture de son livre « Fort comme un hypersensible »  en tant que spécialiste de l’hypersensibilité, qui sort ce 7 janvier. 

Mon fils hypersensible est aussi une grande fierté. Il m’émerveille très souvent. J’ai adoré le voir communiquer avec des écureuils par exemple. C’est une caractéristique très forte de certains hypersensibles, cette proximité avec les animaux.

3 conseils aux hypersensibles
  1. Ralentir, savoir faire des pauses. Prendre le temps de réfléchir avant de prendre une décision. 
  2. Arrêter de vouloir être compris et arrêter de demander des conseils à l’environnement extérieur.
  3. S’écouter et écouter son intuition qui est un guide précieux.

Extraits choisis

Une personne ultrasensible est une personne hypersensible douée en plus d’une extrême empathie envers les autres.

Comprendre ce qu’est l’hypersensibilité permet de reprendre le pouvoir et de se créer un environnement adapté.

Ce n’est pas nous qui devons nous adapter à l’environnement, c’est à nous de créer l’environnement qui nous convient.

C’est un travail de tous les jours, à faire sur ses émotions pour mettre les choses à distance et apprendre à se créer son environnement.

Quelques conseils de lecture

Propos recueillis par Isabelle Toutain @isatoutain

Photo de Sarah Robine @sarah.robine

Merci infiniment à Isabelle Toutain pour sa douceur, son écoute. 

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